Lundi 17 Avril 2023

Publication générale

Le Doxing

Dans les dernières années, nous avons pu constater une croissance exponentielle de l’utilisation de l’Internet ainsi que des diverses formes de technologies de l’information. Très utiles dans plusieurs sphères de la vie quotidienne, les technologies de l’information ont aussi fait naître des intentions malveillantes chez certaines personnes, notamment par l’entremise de la mise en place de processus permettant le piratage informatique. Parmi ces méthodes de piratage informatique, on compte celle du « doxing »[1], parfois aussi appelé « doxxing ».

De manière concrète, le doxing concerne la publication en ligne de certaines informations permettant de rattacher des renseignements personnels à une personne, et ce, sans son consentement. Ce phénomène constitue une atteinte à la vie privée et peut se manifester de différentes manières, notamment, par l’usurpation d’identité, la cyberintimidation, les menaces, etc.[2]

Application

Le doxing est utilisé par certains internautes aux intentions malveillantes par l’entremise de la publication de certaines informations permettant d’identifier clairement une personne ou une entreprise. Par ailleurs, il convient de souligner que cette technique requiert un certain niveau d’organisation, en vue d’être menée à terme. À titre d’exemple, il est possible de mentionner un évènement survenu lors de l’urgence sanitaire de la pandémie de COVID-19. En effet, durant cette période, au Québec, le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, a été victime de doxing. En effet, son adresse personnelle a été diffusée sur le web par un internaute qui affichait publiquement son désaccord face à l’obligation de port du masque[3]. Par la suite, une plainte fut déposée à la Sûreté du Québec, compte tenu de la crainte du ministre pour sa sécurité et celle de sa famille.

D’un point de vue légal, le doxing s’avère fort intéressant. En effet, il serait possible, en matière familiale, d’observer du doxing par un ex-conjoint jaloux qui pourrait décider de nuire à l’autre, en utilisant cette technique pour divulguer certaines informations confidentielles.

En matière de droit du travail, le doxing pourrait être observé par l’entremise d’un ancien employé qui voudrait nuire à l’entreprise en divulguant des informations confidentielles sur l’entreprise. L’exemple le plus flagrant serait, pour un ex-employé de coca-cola, de rendre publique la recette de la boisson, et ainsi faire en sorte de ruiner un secret si bien gardé depuis plusieurs décennies, dans une optique de vengeance.

En matière de concurrence déloyale, le doxing peut s’avérer intéressant d’un point de vue de l’utilisation des informations d’une entité en vue de nuire à un concurrent, directement ou indirectement. Cette manœuvre peut avoir comme cible un actionnaire, un administrateur, un officier, un représentant ou même un employé.

Il appert donc que le partage d’informations sur le web est un processus extrêmement facile et accessible à tous, ce qui le rend d’autant plus dangereux. À l’inverse toutefois, la suppression du contenu numérique une fois publié s’avère très difficile, voire impossible, compte tenu de la possibilité d’effectuer des copies facilement et discrètement[4]. Par conséquent, il convient de mettre en lumière les considérations légales entourant le doxing.

Considérations légales

Essentiellement, les personnes qui utilisent cette technique le font dans une intention de nuire. Cette méthode constitue une violation à la vie privée, mais aussi une forme de harcèlement. Le doxing est donc illégal, car il contrevient à l’article 35 du Code civil du Québec.[5] « Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l’autorise ».

Cette pratique peut aussi constituer un acte criminel, en vertu de l’article 264 (1) du Code criminel[6], relatif au harcèlement. En effet, en vertu de cet article, « il est interdit, sauf autorisation légitime, d’agir à l’égard d’une personne sachant qu’elle se sent harcelée ou sans se soucier de ce qu’elle se sente harcelée si l’acte en question a pour effet de lui faire raisonnablement craindre – compte tenu du contexte – pour sa sécurité ou celle de ses connaissances. » Par cet encadrement juridique, on comprend le caractère illégal du doxing.

De manière concrète, le remède légal serait de demander une ordonnance de protection en matière civile. En effet, cette procédure permet d’obliger une personne de cesser un comportement fautif, tels la diffusion et le fait de maintenir en ligne du contenu à caractère personnel.

Pour terminer, il convient de souligner l’importance de la protection de ses renseignements personnels, avec une emphase particulière accordée à ceux qui peuvent se trouver sur le web. La protection des renseignements personnels inclut la divulgation restreinte de renseignements pouvant se rattacher à notre personne, de même que la protection des mots de passe, ainsi que la restriction d’accès des entreprises web à vos informations pouvant avoir un caractère sensible. Il est donc primordial de faire attention aux renseignements que vous partagez sur le web, car ils pourraient être diffusés à tout le monde et ainsi causer une atteinte à votre vie privée, de même qu’une possible utilisation de ces renseignements contre votre gré.

Me Emmanuel Kouzelis

Avec la collaboration de Michèle Archambault-Morin

Alepin Gauthier Avocats Inc.


Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de votre situation.



[1] Nica Latto “Qu’est-ce que le doxing et comment s’en protéger ? », (11 novembre 2021), en ligne : <https://www.avast.com/fr-fr/c-what-is-doxxing>

[2] Alexandre Vigneault, « Qu’est-ce que le doxxing » LaPresse, (30 mars 2019), en ligne : <https://www.lapresse.ca/vivre/societe/201903/29/01-5220127-quest-ce-que-le-doxxing.php>

[3] Alexandre Joseph, « La régularisation de la désinformation dans le cyberespace : modélisation de la dialectique entre la pyramide et le réseau » Mémoire de maîtrise de droit, Université de Sherbrooke, Février 2022, en ligne : <https://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream/handle/11143/19067/joseph_alexandra_LLM_2022.pdf?sequence=4&isAllowed=y> à la p.86

[4]Suzie Dunn and Alessia Petricone-Westwood, More than “Revenge Porn” Civil Remedies for the Nonconsensual Distribution of Intimate Images, 2018 38th Annual Civil Litigation Conference 16, 2018 CanLIIDocs 10789, https://canlii.ca/t/sqtc p.5

[5] Code civil du Québec, chapitre CCQ-1991

[6] Code criminel, L.R.C (1985), ch. C-46

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