Mardi 17 Mai 2022
Publication générale
Les considérations légales quant à l'achat des NFTs
Les NFTs : tout le monde en a entendu parler, mais personne ne semble savoir exactement de quoi il s’agit. De l’art, de l’argent, une nouvelle forme d’investissement? Laissez-nous vous expliquer brièvement comment fonctionnent les NFTs et surtout quelles sont les considérations légales quant à leur achat.
Qu’est-ce qu’un NFT ?
L’acronyme NFT signifie « non-fungible token », ou « jeton non fongible » en français. Le mot qui cause le plus de confusion est bien évidemment « fongible ». Le dictionnaire Larousse définit ce mot de cette façon : « Se dit de choses qui se consomment par l’usage et qui peuvent être remplacées par des choses de même nature, de même qualité et de même quantité ».
De ce fait, quelque chose de « non fongible » serait par nature irremplaçable et unique, d’où l’engouement pour ces jetons. Par exemple, est fongible un billet de 20$, car il peut facilement être remplacé par un autre billet de 20$ de la même devise sans qu’il y ait d’impact pour la personne qui le détient. De l’autre côté, le portrait de Mona Lisa est un bien non fongible, car il s’agit d’une œuvre d’art irremplaçable et que toutes autres versions que l’original ne sont que des copies sans grande signification.
La valeur d’un NFT est donc principalement créée grâce à l’effet engendré par la rareté du bien non fongible, détenu par son propriétaire.
Comment ça fonctionne ?
À sa plus simple expression, un NFT est un code qui permet de stocker de l’information dans la blockchain. La blockchain, en français « chaîne de blocs », est une technologie d’archivage et de transmission de données sans organe principal de contrôle. Il s’agit d’une base de données partagées entre ses utilisateurs vers laquelle ces derniers envoient des informations. Ces informations sont par la suite vérifiées et groupées par intervalles réguliers pour former des blocs, formant ainsi une chaîne, d’où l’expression « chaîne de blocs ».
La blockchain est donc essentiellement un grand registre des transactions ou chaque participant à la blockchain à sa propre « copie » de la base de données. Ceci permet que l’information qui s’y trouve soit :
- Transparente, car tout le monde peut voir les transactions et avoir accès au registre;
- Immuable, car une fois dans la blockchain, on ne peut retourner en arrière et effacer l’information;
- Certaine, car on ne peut être en désaccord avec l’information s’y trouvant puisqu’elle a été validée;
- Unique et indivisible, car on ne peut pas scinder l’information associée à un code faisant partie de la blockchain.
Concrètement, les NFTs sont chiffrés et stockés dans la « blockchain » comme des certificats d’authenticité numériques. De cette façon, chaque NFT est infalsifiable et impossible à voler. Les NFTs sont achetés avec de la cryptomonnaie, une monnaie numérique décentralisée. En sommes, une personne devra acquérir de la cryptomonnaie, faire la transaction pour acheter un NFT avec celle-ci et le tout se retrouvera sur la blockchain.
Qu’est-ce qu’on peut acheter ?
L’utilisation la plus fréquente des NFTs est dans le domaine de l’art numérique. Que ce soient des tableaux virtuels, des GIF, des albums de musique ou même dans le cadre d’évènements culturels, l’art est au premier plan de cette nouvelle technologie.
Par exemple, en 2021, le groupe Kings of Leon a mis en vente trois différents NFTs en lien avec leur nouvel album. Le groupe proposait à ses fans une expérience unique, allant d’une édition limitée de l’album, à un « golden ticket », offrant une expérience VIP et quatre places au premier rang de chaque concert que le groupe présentera dans la ville de l’acheteur, à vie.
Le marché des NFT est grandissant, mais les NFTs n’ont pas encore été fortement utilisés hors de la sphère virtuelle. La rapide croissance de cette nouvelle technologie peut être séduisante pour les adeptes d’investissement. Cependant, certaines considérations doivent être prises lors de l’intégration de ce marché novateur.
Qu’elles sont les considérations légales quant à l’achat de NFTs ?
Droits d’auteur ou droits de propriété?
Puisque les NFTs sont non tangibles, ils sont par définition uniques. De ce fait, lorsqu’une personne achète un NFT, elle acquiert la propriété exclusive de ce bien. Cependant, elle ne possède pas nécessairement les droits d’auteur.
L’acheteur d’un NFT possède la version originale du bien, la seule version qui ait de la valeur. En achetant un NFT, la personne achète une « clé privée » associée à ce jeton, lui permettant de savoir qu’elle détient l’original. Cette clé est générée par le créateur et encodée dans la blockchain, ce qui en garantit l’authenticité.
Par contre, il est possible de retrouver le bien sur plusieurs sites internet, en toute légalité. Prenons l’exemple de l’œuvre d’art virtuelle Bored Ape. Il s’agit d’une collection de 10 000 NFTs uniques dont les propriétaires font partie d’un club très sélect. Certaines de ces œuvres d’art se sont même vendu des centaines voir des milliers de dollars pour certaines. Cependant, il est très facile pour n’importe qui ne possédant pas ce NFT d’en retrouver une copie sur internet sans avoir à payer une somme faramineuse.
Puisque, l’achat d’un NFT n’en garantit pas les droits d’auteur, mais bien seulement le droit de propriété, les « smart contracts » furent créés pour contrer ce problème. Tous les NFTs sont régis par ces contrats intelligents, afin de vérifier la propriété et le type de droits qui y sont attachés.
En outre, il est très rare que les droits d’auteur soient vendus avec les NFTs, ils restent normalement entre les mains du créateur. Ceci fait en sorte que l’acheteur ne peut altérer le NFT ni en réclamer les royautés. L’acheteur n’aura donc pas de retour sur son investissement immédiatement ni tout au long de la période au cours de laquelle il détient le NFT, mais bien seulement lors de sa revente, si le bien a pris de la valeur.
Considérations fiscales lors de la vente d’un NFT
L’Agence du revenu du Canada traite fiscalement les NFTs comme la cryptomonnaie, soit comme une marchandise aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu. Tout revenu, ou perte,, provenant des opérations en cryptomonnaie est généralement traité comme un revenu d’entreprise ou un gain en capital, selon les circonstances. De plus, lorsqu’une personne achète des biens, ou même des NFTs, en utilisant de la cryptomonnaie, l’ARC considère qu’il s’agit d’une opération de troc, aux fins de l’impôt sur le revenu. Ceci étant dit, lorsque l’utilisation de cryptomonnaie résulte en un gain en capital, celui-ci doit être déclaré et 50% de ce gain sera imposé.
Conclusion
De nombreuses considérations légales doivent donc être examinées lors de la création et la vente d’un jeton non fongible. En plus des composantes légales et fiscales liées aux NFTs, une composante psychologique importante joue un grand rôle dans la bulle spéculative qui entoure les NFTs.
Face à cette technologie nouvelle et surtout fortement fluide, il est difficile d’estimer si les jetons prendront ou même garderont leur valeur. Comme la majorité des formes d’investissement, la valeur des NFTs est tributaire de l’importance que la société lui donne, ainsi que de sa rareté, ce qui a le potentiel de donner à cette mode un effet éphémère. Il faut donc être prudent et conscient des enjeux avant de se lancer dans cette vague d’investissements ultramoderne. Une rencontre avec un avocat fiscaliste peut donc être de mise pour bien comprendre l’impact fiscal et juridique d’une telle décision.
Me André Perron
Avec la collaboration de Gabrielle Massé
Alepin Gauthier Avocats Inc.
Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de votre situation.
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