Qu’en est-il du contrat de mère porteuse?
Mercredi 23 Juillet 2014
Publication générale
Depuis quelques mois, la notion de mère porteuse a pris beaucoup d’ampleur dans les médias québécois, le tout, suite aux fameuses nouvelles de Joël Legendre, acteur, metteur en scène, animateur et chanteur québécois. En effet, celui-ci et son conjoint seront bientôt les pères de jumelles ayant eu recours à une mère porteuse dont la fécondation in vitro a été remboursée par l’État.
Toutefois, ceci a été immensément controversé pour de multiples raisons que nous traiterons incessamment. Mais d’abord, traitons de l’état actuel du droit sur la question.
Le Code civil du Québec, principal texte législatif qui régit le droit privé au Québec, regroupant un ensemble de règles qui constitue la structure du droit privé, traite précisément du contrat de mère porteuse à son article 541. En effet, l’article 541 du Code civil du Québec édicte que :
«toute convention par laquelle une femme s’engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d’autrui est nulle de nullité absolue».
Mais comment se définit ce contrat de mère porteuse? En fait, la Loi sur la procréation assistée définit la mère porteuse comme étant une :
«personne de sexe féminin qui porte un embryon ou un fœtus issu d’une technique de procréation assistée et provenant des gênes d’un ou de plusieurs donneurs, avec l’intention de remettre l’enfant au donneur ou à une autre personne à la naissance».
En d’autres termes, ce type de procréation suppose que la femme («mère porteuse») soit inséminée par le sperme d’un homme et qu’au terme de la grossesse, celle-ci remette l’enfant. Or, la porteuse ne fait que porter l’enfant du couple qui lui a demandé de le faire, avec les gamètes de la dame et de l’homme.
Mais que veut dire les termes juridiques «nulle de nullité absolue» selon le Code civil du Québec? En fait, il s’agit du fait que, le contrat de mère porteuse est inexistant aux yeux de la loi. Que le contrat soit une entente verbale ou écrite et même s’il y a eu échange d’argent à la mère porteuse, il ne sera pas reconnu devant les tribunaux. Conséquemment, aucun recours au tribunal n’est envisageable.
Concrètement, cela veut dire que celle qui accouche sera la mère légale de l’enfant même si elle n’a aucun lien génétique avec lui (ayant été inséminée par les ovules d’une autre femme). Or, le parent qui n’a pas participé à la conception ne peut aucunement réclamer de lien de filiation à l’égard de l’enfant issu d’une telle entente, à moins que le père demandeur ne soit le père biologique, en vertu des règles habituelles de la filiation par le sang. De plus, il sera hors de question pour la «mère porteuse» de demander à un juge de réclamer le paiement du montant convenu entre elle et le couple demandeur. Conséquemment, la femme qui accouche aura nécessairement un lien de filiation maternel et le lien paternel sera constitué avec celui de qui provient le sperme. Or, le contrat de mère porteuse est un contrat privé d’effets!
Ainsi, suivant les dires du législateur, Joël Legendre et son conjoint, couple homosexuel, désirant un enfant et donnant le mandat à une mère porteuse d’être inséminée par les gamètes de l’un d’entre eux, ne sont assurés d’aucun résultat en ce qui a trait à la filiation avec leurs jumelles, puisque la femme en question qui accouchera au mois de juillet aura nécessairement un recours sur la filiation maternelle de l’enfant. La seule manière de détourner cette réalité serait par le biais de l’adoption légale, qui quant à elle, est toute aussi incertaine. En fait, nous sommes présentement en attente d’un jugement de la Cour d’appel du Québec concernant le refus d’un juge de première instance, à une mère, d’adopter légalement sa fille née d’une mère porteuse. Plus précisément, le 6 janvier 2009, le juge Michel Dubois a refusé d’ordonner le placement en vue d’adoption d’un enfant dont la gestation a été effectuée par une «mère porteuse» et mentionne ce qui suit :
« [48] L’avocate demande en quelque sorte au Tribunal d’ériger une cloison étanche entre les articles du
Code civil du Québec traitant de l’adoption (article 543 et suivants C.c.Q.) et ceux traitant de la filiation des enfants nés d’une procréation assistée (articles 538 et suivants C.c.Q.) tout en omettant notamment de référer aux dispositions du Code civil relatives au respect de l’ordre public[4] et à la loi fédérale sur la procréation assistée[5]en vigueur depuis le 22 avril 2004 qui définit la mère porteuse et interdit la rétribution de la mère porteuse.
[52] À quelques reprises, les professeurs Robert Kouri, Suzanne Philips-Nootens et Carmen Lavallée ont rappelé que le contrat de procréation ou de gestation pour le compte d’autrui est illégal au Québec, qu’il soit à titre onéreux ou à titre gratuit. »
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Me Sonia Rotondo
Alepin Gauthier Avocats Inc.
Cette chronique contient de l'information juridique d'ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d'un avocat qui tiendra compte des particularités de votre situation.